Harada Yūdō (305e abbé du temple Tofukuji, chef de la secte bouddhiste Rinzaï Tofukuji)
« Si vous pratiquez le zazen un instant, vous serez un bouddha pour cet instant. Si vous pratiquez le zazen un jour, vous serez un bouddha pour ce jour. Si vous pratiquez le zazen toute votre vie, vous serez un bouddha à vie.”
Le temple Tofuku-ji de la secte Rinzai a une histoire de 800 ans depuis sa fondation en 1236 pendant la période Kamakura (1185-1333). Il a été fondé par Shoichi Kokushi, sur la proposition du régent de l’époque, le seigneur Kujo Michiie. Le fondateur, Kokushi a déployé beaucoup d’efforts dans les ressources humaines et a formé de nombreux disciples, dont je suis le 305e de cette lignée. Lorsque le seigneur Kujo Michiie fut confronté avec un maître incompréhensible, il demanda conseil sur sa façon de continuer son apprentissage zen auprès du maître Kukoshi, qui lui donna cette réponse : « Si vous pratiquez le zazen un instant, vous serez un bouddha pour cet instant. Si vous pratiquez le zazen un jour, vous serez un bouddha pour ce jour. Si vous pratiquez le zazen toute votre vie, vous serez un bouddha à vie. ” Il souligna que la pratique du zazen, même lors elle est pratiquée un bref moment, permet d’atteindre la bouddhéité.
Bien que souvent mal compris, le terme « Bouddha » tel qu’il est enseigné dans le bouddhisme ne fait pas référence à une forme posthume, mais à une amélioration de sa propre personnalité et de tout son être durant son vivant. Le sutra communément utilisé est : “Cesse le mal, fait le bien, purifie ton esprit, suis les enseignements du Bouddha”. “Cesse le mal” signifie arrêter de faire des mauvaises actions. “Fait le bien” signifie agir de manière positive.
“Purifie ton esprit” signifie purifier ses idées et ses intentions.
Les êtres humains sont des êtres complexes. Même une personne qui s’efforce d’être bonne au quotidien, peut s’égarer lors de moments difficiles. C’est alors important de réfléchir sur ses actions. D’où les mots, “suis les enseignements du Bouddha” qui encouragent à reconnaître ses mauvaises actions et à les corriger.
Améliorer les relations humaines
L’offrande d’un regard de compassion, l’offrande d’un sourire chaleureux, l’offrande de mots aimables.
Pour mettre en pratique cet enseignement, le bouddhisme préconise les « sept actes de générosité qui ne requièrent aucune fortune”. Afin d’améliorer les relations humaines, il convient de pratiquer en particulier les trois premiers d’entre eux.
Le premier est le « Gense”, le regard de compassion. Le deuxième est le visage et le sourire constamment chaleureux, le “Waganse”. Le troisième consiste à utiliser des paroles aimables, le “Aïgose”, qui consiste à parler aux autres avec gentillesse et affection.
Souvent, ce que vous dites vous revient sous la même forme. Si vous regardez autrui d’un air dur, ils feront de même. Si vous leur souriez, ils vous souriront. En initiant des interactions positives, vous favoriserez des relations plus saines et plus épanouissantes.
Tôt le matin, lorsque je balaie les alentours du temple, je dis « bonjour » aux passants. Si je fais attention à sourire et à dire des mots gentils, même ceux qui me regardent d’abord d’un air absent finiront par me rendre la politesse. Agir de son propre côté pour que les choses aillent dans le bon sens est l’incarnation de l’esprit du Bouddha et le premier pas pour devenir une bonne personne.
Lorsque j’étais en formation, j’étais entouré d’héritiers de temples et je ne connaissais pas un seul sutra. J’étais le seul qui venait d’une famille ordinaire et qui était un laïc, un “zaïka”. Au début de ma formation, mon sommeil était extrêmement court. J’essayais d’apprendre avec trois heures de sommeil par jour, mais c’était impossible. Deux fois par mois, lorsque je pouvais dormir plus longtemps que d’habitude, je pouvais me souvenir correctement de ce que j’avais appris la nuit précédente. J’ai donc appris une chose essentielle, à savoir que les gens ont besoin d’un minimum de sommeil pour conserver leur mémoire.
Ce que j’essaie de mettre en évidence, c’est qu’il y a une bonne façon de faire les choses et je veux chacun réfléchisse à la façon de devenir de bons êtres humains. Les humains ont un instinct d’auto-préservation et l’important est de savoir comment minimiser cet instinct et nous tourner vers les autres.
La pire manifestation de cet instinct d’auto-préservation et d’affirmation de soi est la guerre.
L’aspect le plus important du zen : « saisissez-le par vous-même ».
Aucun individu n’est entièrement bon ou entièrement mauvais. Chaque personne a ses bons et ses mauvais côtés. Juger les qualités de chacun de manière juste sans nous soucier de nos propres intérêts n’est pas une tâche aisée.
Pour faire son travail et contribuer à la société, il faut d’abord avoir de bonnes relations avec autrui. Cela commence par le fait de regarder les gens avec des yeux bienveillants, de leur sourire et de leur dire des paroles aimables. Comme le préconisait le maître Kokushi, si on s’assied en zazen pendant un moment, puis un jour et à force de pratiquer le zazen toute une vie, je pense qu’il est possible de mener une vie épanouie.
Pour conclure, laissez-moi citer le « Yuïgué”, ou dernières paroles du maître Shoichi Kokushi:
“Pendant soixante-dix-neuf ans, j’ai utilisé tous les moyens à ma portée pour dispenser des bienfaits autrui. J’ai poursuivi des études bouddhiques toute ma vie. Sachez que l’essence des enseignements du Bouddha et des ancêtres ne peuvent pas être transmises par autrui. Elle doit être saisie par soi-même”. C’est l’aspect le plus important du bouddhisme zen.
Nous vous souhaitons sincèrement une vie épanouie dès à présent.